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Économie scientifique
29 décembre 2017

011 - Thermodynamique et macroéconomie.

Dans « Richesse, Richesse virtuelle et Dette », Frederick Soddy cite le mathématicien et physicien français Henri Poincaré [1] :

« Vous espérez de moi que je vous dise tout sur ces phénomènes complexes. Si par malchance j’arrivais à connaître les lois qui les gouvernent, je serais impuissant. Je serais perdu dans des calculs sans fin et ne pourrai jamais fournir une réponse à vos questions. Heureusement pour nous deux, je suis complètement ignorant dans ce domaine. Je peux par conséquent vous donner une réponse tout de suite. Ceci peut paraître bizarre ; mais il y a quelque chose d’encore plus bizarre, c’est que ma réponse sera exacte. »

Puis Frederick Soddy poursuit ainsi [2] :

« Poincaré parlait des directions des vitesses et des quantités d’énergie possédées par les molécules individuelles composant la communauté d’un gaz – chaque molécule entre sans cesse en collision avec d’autres, des millions de fois par seconde, à chacune de ces collisions la distribution des vitesses et des énergies change – qu’il comparait à la simplicité du problème consistant à considérer l’énergie du gaz dans son ensemble et à définir les lois auxquelles il obéit dans tout le domaine de variation des conditions. De même, en économie, si nous essayons avant tout de suivre les modifications produites, dans la distribution de la richesse, par la circulation ou le dépôt en banque de monnaie papier ou de pièces d’or, nous serons impuissants, perdus dans des calculs sans fin, et jamais capable de fournir une réponse aux plus simples questions touchant le bien-être de l’ensemble de la communauté. Mais si nous considérons d’abord la seconde approche, et étudions les lois physiques régulant la production de richesses plutôt que son acquisition et sa distribution, bien que nous puissions ne pas être immédiatement capables de fournir une réponse à des problèmes irrésolus de l’économie nationale, nous pouvons répondre à d’autres presque sur-le-champ. C’est bizarre, mais dans la mesure où les problèmes concernent des questions de réalité physique, nous pouvons être assurés que la réponse sera exacte. »

 

011-A

En sciences physiques l'état d'un fluide se caractérise à notre échelle au moyen des variables macroscopiques que sont la pression P, la température T et la masse volumique ρ. L'état des gaz à molécules simples se décrit sur un large domaine de pression et de température par la très simple loi du gaz parfait P = ρ r T (où r est un constante dont la valeur dépend de la composition chimique du gaz considéré), ceci sans qu'il soit besoin de connaître quoi que ce soit sur la détail des mouvements des molécules individuelles qui le composent. Par exemple l'air atmosphérique qui nous entoure, composé à 99 % de molécules de diazote N2 et de dioxygène O2, se comporte comme un gaz parfait et l'on peut décrire le lien entre pression, température et masse volumique de l'air sec sans qu'il soit besoin de faire référence aux mouvements aléatoires de ses molécules qui, dans les conditions standard (P = 1013 mbars, T = 20°C) et un air au « repos » (sans vent), se déplacent à une vitesse moyenne d'environ 400 m/s.

La loi d'état de gaz à molécule plus complexe nécessite une formulation plus sophistiquée par l'ajout de termes supplémentaires à la loi idéale du gaz parfait, mais toujours sans qu'il soit besoin de connaître autre chose des mouvements individuels d'un grand nombre de milliards de molécules que des moyennes statistiques.

011-B

De même il est possible de caractériser le comportement d'un système macroéconomique sans qu'il soit besoin de disposer d'une gigantesque comptabilité enregistrant chaque flux élémentaire de biens, de services et de monnaie. Une telle comptabilité serait impossible à tenir. Mais de par la moyenne statistique qui s'applique à la dynamique régissant une collection d'un très grand nombre d'éléments, on peut toutefois caractériser précisément le comportement du système dans son ensemble. Sans cela, comme l'a dit Henri Poincaré, nous nous perdrions dans des calculs sans fin… dont les données, qui plus est, dans l'économie mondialisée d'aujourd'hui, seraient pratiquement impossible à recueillir complètement.

 

L'analyse macroscopique du système économique est ce à quoi nous allons nous intéresser à présent...

 

[1] « Richesse, Richesse virtuelle et Dette » de Frederick Soddy, 1926, traduction française par Jean-Paul Devos, édition Persée, 2015, p. 101.

[2] Ibid. pp. 101-102.

Première image : Molécules d'eau d'une goutte contenant un pigment (les plus grosses molécules) -

http://www.lerepairedessciences.fr/sciences/questions_sciences/voir_molecules.htm

 

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