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Économie scientifique
19 juin 2019

029 - Comment Goldman Sachs a coulé la Grèce.

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En décembre 2011 s’est tenue à Genève une conférence intitulée « L’État et les banques, les dessous d’un hold-up historique » [1] dans laquelle intervenaient Étienne Chouard (*) et Myret Zaki, aujourd’hui rédactrice en chef du magazine économique de Suisse romande, Bilan. Au cours de cette conférence, Myret Zaki a expliqué comment Goldman Sachs a coulé la Grèce avec les conséquences dramatiques que l’on sait sur le niveau de vie de sa population.

Voici en substance un résumé des déclarations de Myret Zaki.

Jusqu’en fin 2009, le niveau d’endettement de la Grèce était du même ordre depuis des années.

Fin 2009, des agences notations ont dit que certains petits pays d’Europe, dont la Grèce, avaient un taux d’endettement qui n’était plus satisfaisant et qu’il faudrait que dans les prochaines années la Grèce tienne un peu mieux le budget de ses finances publiques.

Goldman Sachs - qui avait déjà aidé la Grèce dans les années 2000 à masquer le véritable niveau de sa dette - a alors conseillé à la Grèce d’utiliser des instruments financiers de son cru (tels que ceux qui, par la titrisation des subprimes, avaient permis de masquer le vrai risque financier en amont de l’avènement la crise de 2007 aux USA) afin de cacher son vrai niveau d’endettement aux autres pays de la zone euro. Derrière cela, Goldman Sachs est allé cracher le morceau aux fonds spéculatifs qui sont ses clients, les informant du véritable niveau d’endettement de la Grèce : ce qui s’appelle un délit d’initié.

029-B

Ensuite, selon un journal américain, cinq fond spéculatifs américains (hedge funds) se sont réunis en février 2010 dans un restaurant de New York, dont le fond de George Soros. Les responsables de ces cinq fonds, à la recherche d’une nouvelle proie après le coup monté des subprimes, ont décidé d’agir de manière concertée pour attaquer l’euro à travers la Grèce puis d’autres petits pays de l’UE. L’idée est qu’en faisant couler un petit pays comme la Grèce, les autres pays de la zone euro seront contaminés par une panique des investisseurs qui vendront leurs titres sur les marchés. Les fonds spéculatifs auront alors une opportunité de gains colossaux en ayant misé – via les produits dérivés (voir précédents billets sur la crise des subprimes) - sur la faillite de petits pays de la zone euro, voire de la zone euro dans son ensemble. Les fonds spéculatifs ont ainsi procédé à des ventes massives de la dette grecque, faisant exploser à la hausse les taux d’intérêts (jusqu’à un taux de 20%).

Voilà comment des marchés financiers peuvent couler un pays pour en tirer des profits colossaux via les outils financiers spéculatifs non réglementés que sont les produits dérivés. Depuis que ces outils ont été créés (voir précédent billet n°25), les gouvernements américains et anglais se sont opposés farouchement à une réglementation sur leur usage. En effet, avec l’informatisation et la mondialisation de la finance, des ordres de vente ou d’achat sur la dette d’un pays peuvent être passés depuis n’importe quelle salle de marché dans le monde et un pays ne peut réglementer que les transactions qui se déroulent dans les places financières situées sur son territoire - les transactions financières qui se déroulent dans les places financières situées dans le périmètre de l’UE en ce qui concerne l’Europe.

Ceci est le résultat de l’article 104 du traité de Maastricht (aujourd’hui inséré dans l’article 123 du traité de Lisbonne) qui impose aux États de l’UE de faire entièrement financer leur dette publique par les banques privées. C’est la porte ouverte à la possibilité d’entreprendre des guerres financières.

Alors que les deux pays occidentaux les plus endettés sont les USA et la Grande-Bretagne, l’attaque sur la Grèce puis d’autres pays de la zone euro (Portugal, Irlande, Espagne, Italie, puis même la France et l’Allemagne) a permis par contrecoup aux USA et à la Grande-Bretagne de continuer à faire financer leur dette plus aisément sur les marchés internationaux, a dit Myret Zaki. Elle précise (décembre 2011) qu’alors que, par exemple, la situation de la dette italienne est bien meilleure que celle des États-Unis (déficit budgétaire moitié moindre), ces derniers parviennent à se faire financer leur dette à 2 % alors que l’Italie ne parvient à faire financer la sienne qu’à un taux de 7 %. Ceci parce que les investisseurs qui ne sont pas aux manettes de la haute finance internationale se font mener par le bout du nez en suivant les manipulations de masse (de l’inquiétude à la panique) orchestrées par les grands médias aux mains de l’oligarchie financière (tels que le Financial Times).

La crise de 2008 ce sont les spéculateurs de l’oligarchie financière qui, par des opérations purement financières, siphonnent – moyennant les plans d’austérité - la monnaie représentant la contrepartie de l’activité de populations entières pour la transférer dans leurs poches.

 

(*) Étienne Chouard est un enseignant, professeur d’économie-gestion, de droit fiscal et d’informatique en lycée et BTS. Il s’est fait connaître en 2005 comme défenseur du « non » au référendum sur la constitution européenne, après avoir montré du doigt et dénoncé l’article 104 du traité de Maastricht de 1992 (voir dans le texte).

 

[1] https://www.youtube.com/watch?v=TLjq25_ayWM

 

 

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