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Économie scientifique
9 septembre 2019

030 - Les dérives des banques privées en Europe et ailleurs.

Si la banque Goldman Sachs est une figure emblématique d’un comportement débridé, c’est un mal qui affecte tout le système bancaire. L’Europe ne fait pas exception.

030-A

Avec la mondialisation des flux financiers, la crise américaine du coup monté de l’affaire des subprimes de 2007 (voir billet n°24) s’est propagée à l’Europe, comme au reste du monde, avec la faillite de la banque d’investissement multinationale Lehman Brothers en septembre 2008 (voir le billet n°27). Mais ce ne fut qu’un des aspects de la propagation du mal. Nous avons vu comment la banque Goldman Sachs a reconditionné les actifs toxiques des subprimes en titres qui masquaient le risque adossé (billet n°25). Ces titres ont tout d’abord été vendus via des CDO à des investisseurs conscients ou pas du montage de l’arnaque. Les deux plus gros acheteurs furent Goldman Sachs (bien évidemment au courant des rouages de l’arnaque, étant dans le clan des investigateurs) et la Société Générale (semble-t-il investisseur candide). Il y eut aussi Merrill Lynch, Deutsche Bank, UBS, Calyon, Barclays et Bank of America. [1] Ces investisseurs institutionnels ont couvert leurs investissements par des CDS auprès de l’assureur AIG. Lorsque, comme prévu dans l’arnaque, les titres se sont effondrés, tous ces investisseurs se sont tournés vers l’assureur des CDS, AIG, pour se faire verser l’indemnisation associée. L’assureur n’était pas en capacité de faire face à la somme colossale que cela représentait. Pour éviter la faillite d’AIG et sans doute de tout le système financier, l’État américain (le contribuable) a renfloué AIG pour un montant de 85 milliards de dollars, le 16 septembre 2008. Les banques citées se sont vues remettre 67 de ces 85 milliards de dollars au titre des CDS dont 11,9 milliards de dollars (environ 10 milliards d’euros) pour la seule Société générale [2]. Déjà son trader Jérôme Kerviel avait, en 2007, engagé sur les marchés 50 milliards d’euros de positions, soit 1,8 le montant des fonds propres. Le retournement de tendance lié à la contagion de la crise des subprimes entraîna une perte de 5 milliards d’euros (10%) sur la valeur de ces position de la banque. [3] La Société générale n’a alors évité la faillite que grâce à une aide de l’État français. Mais si l’État américain n’avait pas renfloué AIG pour lui éviter la faillite, la Société générale n’aurait pas perçu les 11,9 milliards de dollars et là nul doute que l’État français n’aurait pu sauver une seconde fois la Société générale, pour un montant s’élevant celle fois au double de celui des pertes liées à l’affaire Kerviel. Ce fait est associé à une révélation complètement incroyable faite le 15/03/2012 par Nicolas Doze dans le cadre de l’émission « Les Experts » qu’il présentait sur la chaîne « BFM Business » ; il s’y est déclaré éberlué d’avoir appris que le PDG de l’époque de la Société générale, Daniel Bouton, n’aurait pris conscience que la faillite d’AIG aurait entraîné la faillite de sa propre banque qu’après coup. Au moment des faits ce dernier aurait ignoré le degré d’implication de la banque qu’il dirigeait dans les CDS immobiliers des subprimes. Nicolas Doze avait gratifié ce fait d’un « on marche sur la tête ».

030-B

Depuis 1988, le système bancaire international est soumis à une réglementation, en termes de normes de fonds propres, formulée par un comité rassemblant les banquiers centraux des pays du G‑10 sous l’égide de la Banque des règlements internationaux, à Bâle. Ce comité, créé en 1974, porte le nom de Comité de Bâle. La réglementation de 1988, baptisée Bâle I, limite l’ensemble des crédits pouvant être accordés par une banque à un montant tel que le ratio par rapport à ses fonds propres soit d’au moins 8 %. Il ne s’agit que d’une recommandation, la charge étant laissée à chaque État de la transposer dans son droit propre. La France l’a fait à compter du 1er janvier 1993. En 2008, elle était en application dans plus d’une centaine de pays. Cette exigence en fonds propres a été affinée en 2004 par un nouvel ensemble de recommandations, baptisée Bâle II. Le ratio de 8 % n’y fut pas modifié mais en numérateur du ratio, à l’engagement en termes de crédits accordés se sont ajoutés un terme de risque de marché (environ 6 % des crédits accordés) et un terme de risque de pertes opérationnelles internes ou externes (environ 12 % des crédits accordés). Enfin, suite à la crise de 2008, les recommandations de Bâle II ont été revisitées en 2010 sous le nom d’accords de Bâle III qui ont fait passer le plancher de ratio en fonds propres à 10,5 % à l’horizon du 1er janvier 2019.

Un paramètre plus parlant que le ratio de fond propre est son inverse, le ration de levier (leverage ratio en anglais). La recommandation de Bâle II correspond donc à un ratio de levier n’excédant pas 12,5, celle de Bâle III à un ratio de levier n’excédant pas 9,5 environ.

Qu’en était-il fin 2012 ? Aucune des grandes banques mondiales ne satisfaisait le critère de Bâle III, ce critère ne devant toutefois entrer en application qu’en janvier 2019. Quant au critère de Bâle II, sensé déjà être en application plusieurs années avant la crise de 2008, seule deux des grandes banques mondiales le respectaient fin 2012, il s’agissait des deux banques américaines Citigroup et Wells Fargo. En tête de liste figuraient la plupart des grandes banques américaines. Quant aux banques françaises et plus largement elles se plaçaient en fin de liste avec aux trois dernières places : la Société générale avec un ratio de levier de 33,1 ; Deutsche Bank avec un ratio de levier de 51,7 et le Crédit agricole bon dernier avec un ratio de levier de 70,6. BNP Paribas était un petit peu plus haut dans la liste avec un ratio de levier de 27, tout de même encore loin du maximum de 12,5 requis par la recommandation de Bâle II depuis un certain nombre d’années déjà. [4]

Il faut dire que d’une manière générale les grandes banques prennent des largesses avec la réglementation et que la crise des subprimes n’a en rien refréné cette propension.

À cette même période de 2011/2012 on peut citer que :

- Le 03/09/2011, 17 grandes banques – dont une française : la Société générale – sont poursuivies pour avoir menti sur les caractéristiques de titres adossés à des prêts immobiliers (dans le contexte de la crise des « subprimes ». [5]

- Le 03/07/2012, la découverte d’une manipulation des taux de prêts interbancaires (servant au calcul des indices LIBOR et EURIBOR) par la banque Barclays, entraîne la démission de ses trois principaux dirigeants. [6]

- Le 04/07/2012 il est révélé que la banque américaine JPMorgan est visée par une enquête concernant des manipulations de coûts sur le marché de l’électricité. [7]

- Le 15/08/2012 on apprend que c’est à présent sept banques qui sont assignées à comparaître aux États-Unis pour manipulation du LIBOR (dont UBS, HSBC, Deutsche Bank). [8]

- Le 18/08/2012 la Deutsche est visée par une enquête pour blanchiment portant sur des montants se chiffrant en milliards de dollars. [9]

- Le 19/09/2012, le siège parisien de la banque suisse UBS est perquisitionné pour blanchiment de fraude fiscale. [10]

- Le 25/10/2012 on découvre que le ministère de la Justice de New-York engage de poursuites contre Bank of America pour des milliers de prêts hypothécaires frauduleux réalisés sur la période 2007 jusqu’à au moins 2009 (c’est-à-dire deux années après la crise des subprimes).

Voilà pour une simple aperçu sur une période de temps limitée.

[1] https://www.lemonde.fr/economie/article/2010/02/10/scandale-aig-le-role-de-goldman-sachs-et-de-la-societe-generale-en-question_1303753_3234.html

[2] http://www.lefigaro.fr/societes/2009/03/16/04015-20090316ARTFIG00410-le-renflouement-d-aig-a-permis-de-dedommager-les-banques-europeennes-.php

[3] https://fr.wikipedia.org/wiki/J%C3%A9r%C3%B4me_Kerviel

[4] https://maviemonargent.info/leverage-des-banques-systemiques-mondiales-au-4-trimestre-2012/

[5] https://www.ladepeche.fr/article/2011/09/02/1158452-crise-des-subprimes-17-banques-et-institutions-financieres-poursuivies.html

[6] https://www.lemonde.fr/economie/article/2012/07/03/barclays-recit-d-une-manipulation_1728397_3234.html

[7] https://www.lemonde.fr/economie/article/2012/07/04/manipulation-sur-le-marche-de-l-electricite-jpmorgan-vise-par-une-enquete_1729064_3234.html

[8] https://www.lemonde.fr/economie/article/2012/08/15/affaire-du-libor-7-banques-assignees-a-comparaitre-aux-etats-unis_1746447_3234.html

[9] https://www.lemonde.fr/economie/article/2012/08/18/etats-unis-la-deutsche-bank-visee-par-une-enquete-pour-blanchiment_1747369_3234.html

[10] https://www.lemonde.fr/economie/article/2012/09/19/perquisition-du-siege-francais-d-ubs-dans-l-enquete-pour-fraude-fiscale_1762445_3234.html

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