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Économie scientifique
26 avril 2020

045 - Les multinationales pharmaceutiques (partie 14 : Un système complètement corrompu).

Fin des extraits de [1].

Les exigences d’approbation pour les médicaments anti-cancer sont presque inexistantes. Ces médicaments sont souvent autorisés en se fondant sur des études comportant un seul groupe de patients, des études qui ne peuvent révéler si le médicament augmente ou réduit la mortalité.

En Europe, pour 27 indications, dont 14 étaient de nouvelles demandes d’approbation et 13 des extensions d’approbations existantes, la documentation clinique consistait entièrement en petites études comportant un seul groupe dans huit cas. Le nombre total des patients était petit, valeur médiane de 238 et, dans la moitié des cas, on ne disposait que de résultats de substitution comme réponse complète ou partielle de la tumeur alors qu’elle reste très sujette à une évaluation faussée, particulièrement dans les études comportant un seul groupe. Cela est très inquiétant parce que la plupart des médicaments du cancer peuvent provoquer tant la fonte de la tumeur que l’augmentation de la mortalité, par exemple quand on les administre à trop fortes doses. Les études de médicaments qui donnaient des résultats sur la survie n’avaient trouvé qu’une différence médiane d’un seul mois. Une autre étude sur 12 nouveaux médicaments du cancer approuvés en Europe entre 1995 et 2000 a montré qu’aucun médicament n’offrait de progrès significatif et pourtant il s’en trouvait un qui coûtait 350 fois plus cher que son concurrent.

[…]

045

Les patients de plus de 65 ans sont exclus d’une manière routinière des études commanditées par l’industrie, par exemple, dans les études des AINS, il n’y avait que 2 % des patients âgés de 65 ans et plus alors que ce sont là les patients les plus susceptibles de prendre ces médicaments et d’en être affectés défavorablement. De plus, l’exclusion de ce groupe d’âge rend aussi difficile de détecter les effets nocifs causés par les effets combinés de la prise de plusieurs médicaments (polypharmacie). L’EMA a récemment annoncé qu’elle exigerait dorénavant que la répartition par âge des patients soit représentative dans les études présentées à l’appui de requêtes d’autorisation de mise sur le marché.

C’est une bonne idée, mais elle ne suffit pas, vu que les firmes de médicaments peuvent toujours écrire dans leurs protocoles qu’une condition pour participer est que les patients ne prennent aucun autre médicament que ceux de l’étude et qu’ils ne souffrent pas de plus d’une maladie. Il faut s’assurer que les médicaments sont évalués dans des contextes réalistes, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Une enquête a montré que des problèmes médicaux courants constituaient un motif d’exclusion dans 81 % des études et que les patients recevant des médicaments communément prescrits étaient exclus dans 54 % des études. Pareilles conclusions sont significativement plus communes dans les études commanditées par l’industrie.

[…]

Les organismes de patients ont les mêmes problèmes que les organismes de médecins. Ils sont souvent financés par l’industrie et soutiennent souvent les objectifs de marketing de l’industrie plutôt que de s’occuper de la défense des intérêts des patients. Les organismes de patients n’ont absolument rien fait pour mettre fin aux abus flagrants à l’encontre des patients dans les études commanditées par l’industrie. Plusieurs études cliniques sont incompatibles avec l’éthique parce que les patients ne savent pas qu’ils ne contribuent pas à la connaissance mais seulement aux revenus de la compagnie commanditaire et parce que plusieurs études ou résultats ne sont jamais publiés. Selon la Déclaration d’Helsinki : « Les auteurs ont le devoir de rendre publics et disponibles les résultats de leurs recherches sur des humains et sont responsables de la justesse et du caractère exhaustif de leurs rapports. » Quand a-t-on vu un organisme de patients blâmer l’industrie pour avoir failli à cette obligation ?

Les organismes de patients… sont souvent mis sur pied par des compagnies de médicaments, bien qu’on le taise… Le lavage de cerveau des dirigeants d’organismes de patients est très rémunérateur pour les compagnies, car ils peuvent se permettre d’être bien plus bruyants et agressifs que les compagnies elles-mêmes…. Très souvent, ils lancent des campagnes de peur qui incitent des centaines de milliers de patients à consommer des médicaments dont ils n’ont pas besoin. En 2005, la Fondation danoise du cœur a annoncé que 30 000 personnes mourront en 10 ans si 900 000 personnes ne commençaient pas à consommer des médicaments pour réduire le cholestérol… La population du Danemark est d’environ 5,4 millions !

[1] Remèdes mortels et crime organisé – Comment l’industrie pharmaceutique a corrompu les services de santé ; Peter C. Gotzsche, traduction de Fernand Turcotte, 2015 ; Presses de l’université Laval ; pp. 376-394.

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