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Économie scientifique
16 juillet 2020

049 - PIB et chômage.

049-A

Le tableau suivant présente, pour la France, des valeurs annuelles de PIB et de chômage tirées des données de la Banque mondiale [1].

049-Tableau-1A

049-Tableau-1

Sur la base des chiffres du premier tableau, le tableau ci-dessous fournit les variations annuelles du PIB par habitant et par actif occupé ainsi que les variations du taux de chômage.

049-Tableau-2A

049-Tableau-2B

S’il y a une première observation qui peut être faite c’est que ces données n’apparaissent pas soumises à une loi générale évidente. Ainsi, dans les années 1970, alors que, exception faite de 1975, le PIB par habitant a toujours été supérieur à 3 %, le chômage n’a diminué – et très légèrement – qu’en 1973, année qui a enregistré la plus forte croissance : 5,47 %. Dans les années 1980 les deux années de plus forte décru du chômage (de 0,55 et 0,56%) furent effectivement les deux années où la croissance fut la plus forte (4,16 % en 1988 et 3,74 % en 1989). Mais l’année 1983 a vu aussi le chômage décroître (de 0,28%) alors que la croissance ne fut que de 0,68 %. Plus récemment, on peut observer que dans les années 1990 l’augmentation du chômage fut la plus forte en 1994 (1,27%), année pour laquelle la croissance fut quand même de 2,00 %. En 2001, au contraire, le chômage a diminué de 1,61 % alors que la croissance a été de 1,23 % et, en 2003, le chômage a même diminué de 0,40 % pour une très faible croissance de 0,12 % du PIB par habitant. Mais en 2009, année qui a suivi la crise financière de 2008, sans surprise le PIB par habitant a enregistré une forte diminution de 3,38 % qui s’est accompagnée d’un forte augmentation du taux de chômage de 1,61 %.

049-B

Pourtant, les gouvernants politiques et des économistes évoquent souvent comme une loi un taux de croissance ΔP0 au-delà duquel le chômage est censé diminuer et en-deçà duquel il est censé diminuer. Qu’ils le mentionnent ou pas, ils se réfèrent en cela à la loi d’Okun, du nom de l’économiste américain Arthur Okun qui l’a proposée en 1962. C’est une loi linéaire qui s’exprime ainsi :

ΔC = - K (ΔP - ΔP0)

où ΔC est la variation du taux de chômage, ΔP est le taux de croissance réel, ΔP0 est le taux de croissance pour lequel le chômage reste constant et K est le coefficient de réponse « élastique » de la variation du taux de chômage à l’écart de croissance en plus ou en moins par rapport à ΔP0.

Il faut noter que les deux seuls paramètres K et ΔP0 doivent porter plus de deux influences dont va dépendre la variation de ΔC par rapport à ΔP.

ΔP est notamment influencé par :

- La variation de la part de population active par rapport au nombre d’habitants.

- La variation de la productivité du travail (variation du PIB par actif occupé).

ΔP est par ailleurs limité à la hausse par la production potentielle, qui est la production maximale réalisable compte tenu du capital matériel et humain disponible.

Enfin ΔC est limité à la baisse par le taux de chômage naturel, qui est le chômage minimal atteignable compte tenu, d’une part, de la distribution des compétences dans la population active, et d’autre part, pour chaque type d’emploi, de l’attractivité des salaires pouvant être proposés aux personnes compétentes.

Enfin la loi d’Okun est définie dans les limites du système productif. Nous avons notamment vu en 2009 les répercussions que peut entraîner une crise purement financière sur l’économie réelle et donc son PIB et son taux de chômage.

De plus, de l’aveu même des utilisateurs de cette loi – et d’Okun lui-même, semble-t-il – les coefficients K et ΔP0 sont fonction du pays et de l’époque [2], autrement dit de la structure du système économique auquel elle est appliquée.

En fait la loi d’Okun n’est pas un modèle mais une moyenne linéaire, sur un certain intervalle de temps fixé, des données empiriques sorties du modèle économique en vigueur présenté comme une loi immuable de la « physique économique ».

Quand les gouvernements s’appuient sur cette loi pour fixer des objectifs politiques, cela revient à considérer qu’il n’existe pas d’autre système économique dans l’univers que l’actuel, pas d’autre système qui pourrait s’avérer plus efficace pour réduire le taux de chômage et améliorer le bien-être général de la population.

Pïre, la loi d’Okun se montre être une loi qui modélise de façon bien trop simpliste et extrêmement grossière une réalité bien plus complexe. Pour illustrer cela de manière pratique considérons, dans le précédent tableau, les données de 1992 à 2017. On se propose de calculer les valeurs des « constantes » K et ΔP0 correspondant aux données ΔC et ΔP du précédent tableau pour chaque couple d’années N et N+1. On prendra pour donnée ΔP la variation du PIB par habitant.

Les résultats obtenus sont rassemblés dans le troisième des tableaux annexés.

049-Tableau-3

On rappelle que ΔP0 représente le taux de croissance pour lequel le taux de chômage resterait constant et que K représente de combien un point croissance en plus fait baisser le taux de chômage et inversement. Une valeur négative de ΔP0 signifie que, jusqu’au taux de décroissance correspondant, le chômage continue de diminuer : inattendu, surtout de manière durable, dans l’actuel système économique. Une valeur négative de K signifie que plus la croissance est importante plus le chômage augmente, et inversement. Là c’est plus qu’inattendu, c’est contraire à un élémentaire bon sens. Pourtant le précédent tableau montre qu’un nombre significatif des résultats obtenus pour K comme pour ΔP0 ont une valeur négative. Face à de telles incohérences et une telle dispersion de résultats, un physicien dirait d’une loi physique qu’elle n’est aucunement représentative du phénomène à modéliser et donc aucunement prédictive. C’est pourtant à la loi d’Okun que les gouvernements se réfèrent quand ils prétendent que le chômage diminuera si la croissance dépasse la valeur de… 1,5 % entend-on souvent. Et c’est là-dessus qu’ils se basent pour prévoir des budgets publics et des programmes pour les années suivantes.

[1] https://donnees.banquemondiale.org/pays/france

[2] https://en.wikipedia.org/wiki/Okun%27s_law

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