Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Économie scientifique
7 janvier 2021

062 - La caste du Fouquet’s.

Le présent billet propose un extrait de « La Caste » où l’auteur décrit de manière intime les relations liant la « collusion d’intérêts » mentionnée au début du billet n° 059, circonscrit à la sphère française, et même parisienne.

062-1

 

« … Le capitalisme du Fouquet’s, qui prospère sous Nicolas Sarkozy, entretient cette tradition : présents à la soirée de célébration de la victoire de leur champion le 6 mai 2007, les milliardaires amis du régime y seront remerciés. De Vincent Bolloré (patron du groupe du même nom) à Édouard de Rothschild (à l’époque propriétaire du journal Libération), en passant par Bernard Arnault (patron du géant du luxe LVMH, acquéreur du journal Les Échos et ultérieurement du Parisien, et premier témoin de mariage de Nicolas Sarkozy), Martin Bouygues (patron du groupe de même nom, propriétaire de TF1 et second témoin de ce même premier mariage, ainsi que parrain de Louis, l’un des fils du président), Antoine Bernheim (1924-2012, le patron propriétaire du groupe Generali, figure tutélaire du capitalisme parisien), Albert Frère (la première fortune de Belgique,qui figure aussi parmi les actionnaires de quelques-uns des plus grands groupes français, dont Suez ou encore Total), Arnaud Lagardère (patron du groupe du même nom qui se présente comme le "frère" de Nicolas Sarkozy), sans oublier l’inévitable Alain Minc (alors président du conseil de surveillance du Monde, conseiller de l’ombre de Nicolas Sarkozy et de quelques-uns de ces PDG propriétaires).

062-2

Tous tireront avantage de la présidence sarkoziste. Par les privatisations qui sont décidées, par la suppression de la publicité sur les écrans publics au profit des recettes des acteurs privés, par la déréglementation des jeux en ligne qui viendra enrichir les nouveaux acteurs.

De cet entrelacs d’intérêts publics et privés, Nicolas Sarkozy devient à son tour, au soir de ce 6 mai 2007, le porte-drapeau. Il s’organise en conséquence : ses principaux collaborateurs, qu’il choisit de placer aux postes stratégiques du fonctionnement de l’État quand il accède à l’Élysée, sont emblématiques de cette "société du 6-Mai". Ce ne sont pas, pour les plus importants d’entre eux, des hauts fonctionnaires classiques au service de l’État, issus de l’une des grandes directions des ministères ou de l’Inspection des finances. Non, ce sont des « rétropantoufleurs » - avant qu’Emmanuel Macron ne généralise la pratique -, des proches de Nicolas Sarkozy, venus de quelques-uns des milieux d’affaires où il grenouille.

Passé par l’Inspection des finances, Stéphane Richard, que le chef de l’État place comme directeur de cabinet de Christine Lagarde, est l’un de ceux-là. Ancien patron du pôle immobilier de la Générale des eaux dirigée par Jean-Marie Messier, il a connu Nicolas Sarkozy au lendemain de 1995 et l’a fait travailler comme avocat. Quand Jean-Marie Messier, dans sa folle fuite en avant, rêve d’une boulimie d’achats aux États-Unis et prépare la transformation de son groupe en Vivendi Universal, Stéphane Richard est chargé de vendre le pôle immobilier qu’il dirige. Ce qu’il ne fait pas : préférant réaliser une bonne affaire plutôt que d’en faire profiter un quidam de la place, il tire avantage du fait que Jean-Marie Messier veut vendre rapidement et à bon marché pour opérer un LBO (un rachat par endettement avec effet de levier). Avec d’autres cadres du pôle immobilier, il emprunte (4,8 millions de francs dans son cas) à sa banque et rachète la division, qui donne naissance au promoteur immobilier Nexity. En moins de trois ans, Stéphane Richard fait fortune et se retrouve à la tête d’un pactole qui dépasse 30 millions d’euros.

Au cœur de toutes les grandes décisions économiques et financières de l’État, Nicolas Sarkozy installe l’un de ses proches amis aux commandes de l’immense machine de Bercy…

On connaît la fin de l’histoire. Remercié de son soutien, Stéphane Richard est par la suite nommé PDG du groupe Orange. Simplement les choses tournent mal : pour avoir obéit trop fidèlement aux instructions de l’Élysée, il est finalement renvoyé en correctionnelle dans le cadre du scandale Tapie pour complicité d’escroquerie et détournement de fonds publics.

François Pérol, l’autre grand conseiller de Nicolas Sarkozy pour les affaires économiques, devient à la même époque, en mai 2007, secrétaire général adjoint de l’Élysée. Lui aussi a un profil qui en dit beaucoup sur cette "société du 6-Mai". Son port d’attache c’est Rothschild, une banque au cœur du dispositif présidentiel et, plus largement, l’épicentre dans les milieux d’affaires des réseaux balladuro-sarkozistes. Ancien directeur de cabinet d’Édouard Balladur, Nicolas Bazire (témoin du deuxième mariage de Nicolas Sarkozy) y a été associé-gérant, avant de devenir le bras droit de Bernard Arnault, la patron de LVMH et l’un des convives du Fouquet’s – et témoin du premier mariage de son ami Nicolas. C’est aussi la banque dont l’un des actionnaires, Édouard de Rothschild, sur le conseil d’Alain Minc (et à la demande de Nicolas Sarkozy), a acheté le quotidien Libération. » [1]

[1] « La Caste », Laurent Mauduit, 2018 ; La Découverte ; pp. 74-76.

Publicité
Publicité
Commentaires
Économie scientifique
Publicité
Archives
Newsletter
Économie scientifique
Publicité