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Économie scientifique
24 mars 2021

069 - L’histoire du travail (après la Seconde Guerre mondiale).

La présente suite d’extraits de l’ouvrage du Guillaume Morel analyse comment l’automatisation et la mondialisation ont induit la mutation d’une société ancrée sur la valeur travail à une société fondée sur la consommation :

069-1

« Après la Seconde Guerre mondiale, le système de production occidental, et plus particulièrement aux États-Unis, a bénéficié des capacités de production développées dans le cadre de l’économie de guerre qui vont entraîner une profonde mutation sociétale destinée à absorber le surplus de la production de masse…

Le passage d’une société de production à une société de consommation va s’opérer par une immense opération de conditionnement psychologique dont le but sera de créer des débouchés supplémentaires à la production au sein du prolétariat…

Cette période historique particulièrement favorable à l’efficience du processus de production capitaliste va s’accompagner d’une série d’avancées sociales significatives pour les travailleurs. Le rapport de force politique issu de la Seconde Guerre mondiale et le rôle majeur joué par les communistes vont se cristalliser en France dans le Conseil national de la résistance au sein duquel les communistes et les structures syndicales sont largement représentées et qui va mettre en œuvre à la libération un programme social ambitieux…. » [1]

« Le phénomène de chômage de masse demeure à cette époque [du milieu du XIXe siècle au milieu du XXe] structurellement inexistant, si ce n’est pendant la crise de 1929, et le taux de chômage se situe sur la période 1851-1946 à 1,5 %.

Il faut cependant mettre en relation ce taux de chômage avec la population active. Cette dernière n’a progressé que lentement en passant d’environ 4 pour 10 en 1856 à 5 pour 10 en 1946. Cette augmentation est principalement due à l’accès massif des femmes au marché du travail. Leur taux d’activité passe ainsi de 31 % en 1856 à 38 % en 1946 et il ne cessera ensuite de progresser. De 50 % en 1976, il grimpe à 75 % en 1998, taux auquel il se maintient depuis. Cette hausse continue va se traduire par une augmentation importante de la population active totale. Entre 1975 et 2011 la population active française est ainsi passée de 23 à 29 millions de personnes.

Ces chiffres sont cependant à relativiser du fait d’une entrée plus tardive sur le marché du travail liée à l’allongement de la durée des études et à la hausse du niveau de qualification, ainsi qu’à un allongement de la durée de la retraite correspondant à la progression de l’espérance de vie…

069-2

On a … depuis les années 1970 à un découplage entre le taux d’activité et le taux d’emploi, signe d’un chômage structurel…

Alors que le taux d’activité [population active/population totale] et le taux d’emploi sont quasiment équivalents en 1975, ce qui correspond à une situation de plein-emploi, avec respectivement 68,5 % et 66,2 %, la divergence va ensuite s’accentuer puis se stabiliser jusqu’à aujourd’hui. En 1998, le taux d’activité est ainsi supérieur de presque 7 points au taux d’emploi (68,2 % contre 61,5%). En 2011, l’écart est toujours de 7 points, avec 71,1 % de taux d’activité contre 64,1 % de taux d’emploi.

Dans une société ayant basé le financement de son système de sécurité sociale sur les cotisations prélevées sur les salaires et le travail plutôt que sur les revenus du capital, cette raréfaction du travail et le phénomène de chômage structurel pose des problèmes de financement de l’inactivité.

L’augmentation de la population active se heurte ainsi à une absence de débouchés. La valeur travail sur laquelle reposent aussi bien l’édifice social que l’édifice idéologique productif, se trouve par conséquent mise en échec. Dans le même temps, le système productif va se trouver aux prises avec une autre problématique structurelle liée au processus d’accumulation du capital et à l’augmentation de la productivité : une surproduction chronique et une crise des débouchés. » [2]

 

« La féminisation du travail s’opère dans le contexte d’une hausse du niveau de qualification et d’une tertiarisation de l’économie…

[…]

La tertiarisation de l’emploi salarié procède également d’un changement structurel dans la nature de l’emploi…

… c’est le travail "non productif", par distinction avec le travail dit « productif » dans le sens qu’en a donné Adam Smith et qui sera repris par Marx, qui va le plus fortement progresser au cours des trente dernières années, aux dépens du secteur industriel :

Le travail productif tend ainsi à disparaître progressivement par la conjugaison de deux phénomènes : la mondialisation économique qui conduit à des délocalisations massives et l’automatisation des process de production.

Dans cette nouvelle idéologie, le sens du travail ou de l’emploi n’a plus vraiment d’importance, c’est l’implication dans la société de consommation et la capacité à se réaliser à travers elle qui vont devenir les éléments déterminants de la motivation individuelle. Le "pouvoir d’achat", c’est-à-dire la capacité à consommer va ainsi s’imposer comme un élément central de revendication à côté de la revendication historique de réduction du temps de travail. » [3]

[1] « Le travail – Histoire d’une idéologie », Guillaume Borel, 2015 ; Les Éditions Utopia ; pp. 49-51.

[2] Ibid ; pp. 52-54.

[3] Ibid ; pp. 55-58.

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