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Économie scientifique
29 juin 2021

076 - Le retour sur investissement en énergie (RIE).

Le billet n° 048 expliquait en quoi le PIB ne représente pas la santé d’un système économique.

De plus, des analyses économiques réalisées sur la base des flux de monnaie ne rendent compte que de la valeur ajoutées à des biens et des services, c’est-à-dire des flux de richesses. Mais le système productif crée les richesses à partir de ressources d’énergie et de matières premières qui sont supposées inépuisables quand on ne considère que les flux de monnaie. Mais en réalité nous vivons dans un espace fini, celui de la planète Terre, et il y a une limite aux ressources que l’on peut en extraire. On distingue les ressources renouvelables et les non renouvelables. Certaines matières premières (par exemple les métaux) sont réutilisables presque à l’infini, dans la limite du stock disponible sur Terre et les qualificatifs de renouvelable ou non renouvelable n’ont pas de sens pour elles. Idem pour l’eau, corps simple très abondant sur la Terre. D’autres matières premières sont plus difficiles à recycler à partir des biens hors d’usage. Les matières premières végétales sont renouvelables dans la durée qu’il faut pour qu’elles repoussent – pour le bois d’un arbre ce peut être plusieurs dizaines d’années, pour le blé et la plupart des cultures alimentaires c’est une année. Les ressources d’énergie se présentent elles-mêmes sous des formes renouvelables (rayonnement solaire, vent, chutes d’eau…) et non renouvelables (énergie fossile, matière radioactive…).

Dans le billet n°006 nous avons vu que Frederick Soddy, dans son approche scientifique de l’économie, écarte la définition de la richesse proposée par Aristote, sur laquelle s’appuie l’approche traditionnelle de l’économie : toute chose dont la valeur peut-être mesurée en monnaie. Il a pour sa part défini comme étant la richesse toutes les nécessités physiques qui contribuent à la survie et au bien-être d'une communauté.

Nous avons en principe tous les mêmes besoins vitaux et il n’y a pas de difficulté à spécifier si une chose matérielle contribue à la survie humaine. S’agissant du bien-être, il est dans sa définition une sensation subjective personnelle. Mais la définition de la richesse de Frederick Soddy se réfère aux nécessités matérielles qui « contribuent au bien-être d’une communauté » ; il se place donc dans le cadre statistique d’une population. Les statisticiens du domaine socio-économique définissent cette notion élargie du bien-être au niveau d’une population par le fait « de disposer de moyens suffisants pour satisfaire ses besoins, organiser sa vie de manière autonome, utiliser et développer ses capacités, poursuivre ses objectifs ». Ils s’accordent sur ce que, qualitativement, cette définition recouvre « des dimensions matérielles comme le revenu, la fortune, la consommation et le logement, et des facteurs immatériels tels que la formation, la santé et les relations sociales. Elle comprend aussi le cadre légal et institutionnel qui permet aux citoyens de participer à la vie politique et qui assure la sécurité physique des personnes. Enfin, le bien-être dépend de facteurs environnementaux comme la qualité de l’eau, celle de l’air et les nuisances sonores. » [1]

Donc toutes les choses matérielles qui interviennent ou ont une influence dans le bien-être collectif, dont la notion vient d’être précisée, sont de la richesse.

Qu’il s’agisse de richesses périssables ou durables, elles n’existent pas sous une forme directement utilisable dans la nature - à de très rares exceptions près (comme le fruit qui pousse naturellement sur un arbre dans une région tropicale et que l’on n’a qu’à cueillir et manger ou la pépite d’or qu’un promeneur très chanceux découvrirait sur le bord d’un chemin). Transformer les ressources de la nature pour les rendre utilisables nécessite un certain travail humain et une certaine dépense d’énergie - déjà précédemment rendue utilisable au moyen d’un autre travail humain.

La réelle efficacité d’un système économique ne se mesure pas à la valeur ajoutée créée mesurée en monnaie mais à combien d’énergie a été investie pour créer combien de richesse-énergie.

Le pouvoir d’achat de la monnaie est une valeur qui fluctue en fonction de la psychologie humaine. Au contraire l’énergie investie et la richesse-énergie produite se mesurent en joules, une unité physique parfaitement définie et invariable.

076

Un exemple typique est celui du pétrole. Tant qu’il est enfoui dans la croûte terrestre, le pétrole n’est pas une richesse sous forme utilisable ; une forme utilisable est le carburant avec lequel on emplit le réservoir d’un moteur à combustion. Pour l’obtenir à partir du pétrole enfouit il faut prospecter pour découvrir un gisement, forer pour extraire le pétrole, le raffiner pour obtenir le carburant et enfin acheminer le carburant vers les points de livraison. Toutes ces opérations ont nécessité une certaine consommation d’énergie : l’investissement en énergie.

L’économie scientifique fonde son évaluation des performances d’une économie non sur le PIB mais sur l’EROI (energy return on investment) que je transpose en français par RIE (retour sur investissement en énergie). [2] C’est une grandeur adimensionnelle qui se définit comme le rapport de la quantité de richesse-énergie utilisable créée sur la quantité d’énergie investie pour cela.

RIE = quantité de richesse-énergie produite (en joules) / quantité d’énergie investie (en joules)

[1] https://dievolkswirtschaft.ch/fr/2015/02/comment-les-statisticiens-mesurent-le-bien-etre/

[2] « Richesse, Énergie et Valeurs humaines » de Thomas Wallace, 2009, traduction française par Jean-Paul Devos, édition Persée, 2017, p. 67.

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