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Économie scientifique
29 septembre 2021

082 - Le rapport Meadows : Les limites de l’agriculture.

Dans Les limites à la croissance, l’équipe Meadows examine de manière détaillée quatre des principales limites en termes de ressources : l’agriculture, l’eau, les forêts, les énergies fossiles. Nous allons à présent rapporter successivement des extraits des parties correspondantes de l’ouvrage. Pour commencer, ce billet s’intéresse aux limites agricoles. [1] Les sujets de l’eau puis des forêts et enfin des énergies fossiles seront l’objet des trois prochains billets.

« Si la population croît de façon exponentielle et que la surface de terres cultivées reste à peu près la même, c’est donc que la surface cultivée par personne diminue. Elle est effectivement passée de 0,6 hectare par personne en 1950 à 0,25 hectare en 2000. Et s’il a été possible de continuer à nourrir une population en augmentation à partir d’une surface de terre plus réduite, c’est seulement grâce à l’amélioration des rendements.

[…]

L’exploitation non durable des ressources agricoles est la conséquence de nombreux facteurs, comme la pauvreté, la désespérance, l’étalement urbain, le surpâturage et la surexploitation des sols, l’ignorance, les récompenses économiques attribuées aux méthodes de production à court terme plutôt qu’aux gestions à long terme, et l’incompétence des responsables en écologie et plus particulièrement en écologie des sols.

Il existe d’autres limites que les sols et la terre à la production de nourriture, parmi lesquelles figurent l’eau, … l’énergie et les sources, et exutoires des produits chimiques agricoles… Les sols s’érodent, l’irrigation fait baisser le niveau des nappes phréatiques et les ruissellements des champs polluent les eaux de surface et les eaux souterraines. Les grandes entités hydrologiques de la planète contiennent … des zones où les écoulements de substances nutritives, dus avant tout à l’utilisation d’engrais et à l’érosion du sol, tuent toute vie aquatique ou presque…

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Dans de nombreuses régions, les sols ne s’érodent pas, la terre n’est pas laissée à l’abandon et les produits chimiques ne polluent ni le sol ni l’eau. Les méthodes agricoles qui préservent ces derniers et les enrichissent – cultures en terrasse, labour en courbes de niveau, compostage, cultures de couverture, polyculture et assolement – sont connues et pratiquées depuis des siècles. D’autres méthodes, particulièrement applicables en zone tropicale, comme la culture en bandes et l’agroforesterie, s’avèrent efficaces dans des stations expérimentales ou sur le terrain. Dans des exploitations de toutes sortes, en zones tempérées comme en zones tropicales, on obtient des rendements élevés de façon durable sans utiliser de grandes quantités d’engrais de synthèse ni de pesticides, et souvent même sans en utiliser du tout.

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Et il est bien question ici de rendements élevés. C’est un fait avéré : pour être agriculteur "biologique »", pas besoin de revenir à l’âge de pierre ni de se cantonner aux méthodes et à la faible productivité d’il y a 100 ans. La plupart de ces agriculteurs utilisent des variétés à haut rendement, des machines permettant de travailler moins et des méthodes écologiques et sophistiquées de fertilisation et de lutte contre les nuisibles. Leurs rendements équivalent le plus souvent à ceux de leurs collègues non biologiques et leurs profits sont généralement plus élevés. Si une petite fraction de la recherche consacrée aux intrants chimiques et aux modifications génétiques était allouée aux méthodes de production biologique, l’agriculture bio serait encore plus productive.

… [Concernant le] potentiel des cultures génétiquement modifiées… on ne sait toujours pas avec certitude si les manipulations génétiques sont nécessaires pour nourrir la planète ni si elles sont soutenables. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas assez de nourriture à acheter que les populations ont faim, c’est parce qu’elles n’ont pas l’argent nécessaire. Donc produire davantage d’aliments onéreux ne les aidera pas. Et si le génie génétique est susceptible d’accroître les rendements, il existe d’autres moyens, encore non exploités, d’accroître les rendements sans intervention sur le génome. Celles-ci ont en effet le double inconvénient de relever de technologies de pointe, et donc d’être inaccessibles à l’agriculteur moyen, et de présenter des risques environnementaux…

La quantité de nourriture produite aujourd’hui suffirait à nourrir plus que correctement la planète entière. Et on pourrait en produire davantage. On pourrait le faire en polluant moins, sur une surface de terres plus réduite et en utilisant moins de combustibles fossiles ; des millions d’hectares pourraient ainsi être rendus à la nature et pourraient constituer une source de fibres ou de fourrage ou servir à la production d’énergie. Et cela pourrait être fait de façon à ce que les agriculteurs soient reconnus à leur juste valeur, en tant que nourrisseurs de la planète. Mais jusqu’ici, la volonté politique a souvent fait défaut et, en réalité, dans de nombreuses régions du monde, les sols, la terre et les sources nutritives d’aliments dépérissent et, avec eux, les économies et les communautés agricoles. Dans ces régions, vu les pratiques actuelles, la production agricole a dépassé de nombreuses limites. Et à moins que des changements, parfaitement faisables, interviennent rapidement, la population humaine en augmentation devra tenter de se nourrir grâce à un plus petit nombre d’agriculteurs travaillant à partir de ressources en baisse. »

[1] Les limites à la croissance ; Dennis Meadows, Donella Meadows et Jorgen Randers, 2004, traduction d’Agnès El Kaïm, 2017 ; édition Rue de l’échiquier, Paris ; pp. 123-130.

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