Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Économie scientifique
7 octobre 2021

083 - Le rapport Meadows : Les limites hydriques.

Poursuivons à présent avec des extraits du livre consacrés à la question des limites hydriques. [1]

083-1

« Un tiers environ des habitants de la planète vit dans des pays touchés par un stress hydrique modéré à élevé, résultant en partie de l’augmentation de la demande engendrée par la croissance de la population et par les activités humaines. En 2025, pas moins des deux tiers de la population mondiale vivront dans des conditions de stress hydrique. Les pénuries d’eau et la pollution engendrent des problèmes de santé publique à grande échelle, freinent le développement économique et agricole, et nuisent à une grande variété d’écosystèmes. Elles pourraient menacer la sécurité alimentaire mondiale et conduire à une stagnation économique dans de nombreuses régions du monde.

[…]

Les conséquences auxquelles est confrontée une société qui dépasse les limites en matière d’eau dépendent de son degré de richesse, de l’éventuelle présence de voisins riches en eau et de ses rapports avec ces voisins. Les pays riches qui ont des voisins coopératifs, telles que la Californie du Sud, peuvent construire des canaux, des pipelines et des pompes pour importer l’eau. (Même si, dans ce cas, certains voisins commencent à vouloir récupérer leur eau.) Les pays riches qui disposent de grandes réserves de pétrole, comme l’Arabie saoudite, peuvent utiliser l’énergie fossile pour désaliniser l’eau de mer (tant qu’il reste des combustibles fossiles). Les pays riches qui n’ont ni voisins coopératifs ni combustibles fossiles, comme Israël, peuvent élaborer d’ingénieuses technologies pour utiliser chaque goutte d’eau avec le maximum d’efficience et orienter leur économie vers les secteurs les moins gourmands en eau. Certains pays peuvent utiliser la force militaire pour exproprier leurs voisins ou s’assurer l’accès à leurs ressources en eau. Quant aux sociétés qui ne possèdent aucun de ces atouts, elles doivent mettre en place une réglementation et un rationnement draconiens, faute de quoi elles seront confrontées à la famine et/ou à des conflits internes autour de l’eau.

083-2

Comme pour les produits alimentaires, il existe de nombreuses possibilités de se rapprocher d’une exploitation durable de l’eau, non pas en essayant de produire plus, mais en utilisant bien plus efficacement de moindres quantités. Voici quelques-unes de ces possibilités :

- Choisir la qualité de l’eau en fonction de son utilisation. Pour les chasses d’eau et l’arrosage des pelouses, utiliser par exemple les eaux usées de l’évier plutôt que de l’eau potable.

- Opter pour l’irrigation goutte-à-goutte, qui peut réduire la consommation d’eau de 30 à 70 % tout en augmentant les rendements de 20 à 90 %.

- Utiliser des robinets, des toilettes et des lave-linge à faible débit. La consommation moyenne d’un ménage états-unien, qui s’élève à 0,3 m³ par personne et par jour, pourrait être réduite de moitié grâce à des appareils à consommation d’eau efficiente, appareils qui sont à la fois disponibles sur le marché et abordables financièrement.

- Réparer les fuites. On n’imagine pas le nombre d’autorités municipales en charge de l’eau qui dépensent toujours plus d’argent pour s’approvisionner, alors que pour un coût ridicule, elles pourraient obtenir autant en réparant les fuites. Une ville moyenne des États-Unis perd environ un quart de son eau courante à cause de fuites.

- Planter des végétaux adaptés au climat : ne pas, par exemple, faire pousser dans le désert des cultures qui réclament beaucoup d’eau comme la luzerne ou le maïs, et aménager le paysage à l’aide de plante natives qui n’ont pas besoin d’être arrosées.

- Recycler l’eau. Certaines industries, particulièrement en Californie, État pauvre en eau, ont mis au point des techniques efficientes et rentables pour récupérer l’eau, la purifier et la réutiliser.

- Collecter les eaux de pluie dans les zones urbaines. Des citernes ou des dispositifs de collecte de l’eau installés sur les toits peuvent recueillir et permettre d’exploiter autant d’eau de ruissellement qu’un grand barrage pour un coût bien moindre.

L’un des meilleurs moyens de mettre en œuvre ces bonnes pratiques est de cesser de subventionner l’eau. Si le prix de l’eau intégrait, ne serait-ce que partiellement, le coût financier, social et environnemental de la mise à disposition de cette eau, on en ferait automatiquement une consommation plus raisonnée. Les villes de Denver et de New York se sont aperçues qu’en mesurant à l’aide d’un simple compteur la consommation de l’eau de ville et en appliquant un tarif qui augmente avec le taux d’utilisation, la consommation des ménages baisait de 30 à 40 %.

Et puis, il y a le changement climatique… Si les hommes ne font rien, il peut modifier les cycles hydrologiques, les courant océaniques, le régime des précipitations et des ruissellements, l’efficacité des barrages et des systèmes d’irrigation, ainsi que d’autres formes de stockage et d’approvisionnement en eau d’une importance capitale partout dans le monde. La durabilité de l’eau n’est pas possible sans une durabilité du climat, qui elle-même implique une durabilité énergétique. Les hommes sont face à un vaste et unique système où tout est lié. »

[1] Les limites à la croissance ; Dennis Meadows, Donella Meadows et Jorgen Randers, 2004, traduction d’Agnès El Kaïm, 2017 ; édition Rue de l’échiquier, Paris ; pp. 137-142.

Publicité
Publicité
Commentaires
Économie scientifique
Publicité
Archives
Newsletter
Économie scientifique
Publicité