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Économie scientifique
27 janvier 2020

039 - Les multinationales pharmaceutiques (partie 8 : Le Vioxx de Merck et le Celebrex de Pfizer, une hécatombe).

Suite extraits de [1].

… C’est ainsi que les effets nocifs du Vioxx [médicament anti-arthritique ; rofecoxib] ont été connus trop tard, le médicament ayant été retiré.

039-A

Merck a aussi trompé les lecteurs en publiant un faux périodique, l’Australian Journal of Bone and Joint Medecine, qui ressemblait à un périodique médical soumis à la révision par les pairs mais qui n’était qu’un instrument de marketing. La plupart de ses articles présentaient des données favorables aux produits de Merckx, y compris le Vioxx, sans divulguer la commandite.

Tout comme Merckx, la FDA a honteusement failli à son obligation envers les patients. Une augmentation par cinq des crises cardiaques parmi les millions de personnes qui consommaient le médicament ne constituait pas une urgence de santé publique aux yeux de la FDA. Les révisions de l’étiquetage du Vioxx, susceptibles de sauver des vies, ont requis près de deux ans. Le motif évoqué : « Nous tentions de trouver une solution qui serait acceptable aux yeux des deux parties. » Je me demande ce que les milliers de conjoints endeuillés qui ont perdu un être cher pendant ces deux années pensent de cette lenteur en matière de réglementation médicale. Plusieurs des dizaines de milliers de personnes qui ont été tuées par le Vioxx n’auraient pas dû être traitées avec un AINS, puisque le paracétamol (acétaminophène) aurait eu le même effet. Ils auraient d’ailleurs pu aller tout aussi bien sans médicament.

[…]

Combien de patients ont succombé à une thrombose après avoir pris le Vioxx de Merck ? Dans son étude des adénomes colorectaux, Merck a évalué les événements thrombotiques et il y avait 1,5 fois plus de cas d’infarctus du myocarde, de mort cardiaque subite ou d’accident cérébro-vasculaire sous rofecoxib que sous placébo… Plus de 80 millions de patients ont été traités avec le rofecoxib, et comme environ 10 % de ces événements sont fatals, il ressort d’un estimé brut que le rofecoxib a tué environ 120 000 personnes… En outre, le Vioxx a rué plusieurs milliers de patients à cause de complications de l’ulcère.

En 2006, j’ai vu une publicité télévisé sur CNN aux États-Unis qui se terminait avec une voix très profonde affirmant : « Merck, là où les patients sont le premier objectif. » Je ne pus m’empêcher de penser : « Merck, là où les patients crèvent en premier. »

[…]

… en utilisant des données de la FDA, une méta-analyse effectuée par des chercheurs indépendants a montré en 2006 que le celecoxib double le nombre des crises cardiaques par comparaison avec le placébo…

039-B

… Quand Merck retira le Vioxx du marché, en 2004, Pfizer saisit l’occasion immédiatement. Le jour d’après, la compagnie écrivit aux médecins danois que le celecoxib [Celebrex ; un autre AINS] avait été utilisé chez plus de 50 millions de personnes dans le monde entier…

Cinquante millions de personnes. Combien de morts par thrombose cela représente-t-il ? En recourant au même calcul que pour le rofecoxib, on obtient 75 000 morts. De plus, le celecoxib a tué plusieurs milliers de patients par complication d’ulcère. Et cela ne vaut que jusqu’en 2004. Le médicament est toujours sur le marché.

[…]

Les AINS sont très dangereux… Il a été estimé que 3 700 décès surviennent chaque année au Royaume-Uni par complications des ulcères d’estomac chez les consommateurs d’AINS, ce qui correspondrait à 20 000 décès par an aux États-Unis. En appui à cela, on a estimé en 1999 que plus de 16 000 Américains étaient morts d’ulcère d’estomac causés par les AINS, en gros le même nombre que ceux qui sont morts du SIDA ; ce qui fait des AINS l’un des groupes de médicaments les plus létaux. La tragédie est que bon nombre de ces gens auraient pu avoir une bonne vie sans AINS, mais le marketing avait piégé les médecins à utiliser les AINS pour virtuellement toutes les variétés de douleurs, avec la collaboration de rhumatologues « prostitués ». Une journaliste qui rédigeait un article sur le Vioxx et le Celebrex a appelé une société nationale de rhumatologues des États-Unis en 2000 pour parler à un expert qui n’était pas à la solde de l’une ou l’autre compagnie [Merck ou Pfizer]. On lui répondit qu’il n’y en avait pas.

[1] Remèdes mortels et crime organisé – Comment l’industrie pharmaceutique a corrompu les services de santé ; Peter C. Gotzsche, traduction de Fernand Turcotte, 2015 ; Presses de l’université Laval ; pp. 224-238.

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