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Économie scientifique
11 juillet 2023

103 - Le modèle d’évolution des civilisations de Thomas Wallace : Aspects préliminaires. [1]

Thomas Wallace cite à de nombreuses reprises John Kenneth Galbraith et indique qu’il avait abordé la question de l’instabilité sociale en se posant la question suivante : « Que devrait exactement être une bonne société ? » Il répondait à cette question de la manière suivante : « Elle fait une utilisation équitable et raisonnable de la productivité économique pour créer et maintenir une population active relativement forte et satisfaite et un contentement général de la population. Plus généralement, un ordre social qui est économiquement et sociopolitiquement stable est généralement satisfait et constitue un "bonne société". Des résultats sociologiques qui favorisent des objectifs, des approches et des programmes communs culturellement constructifs augmentent la probabilité de créer un environnement culturel plus altruiste au sein de la population, ce qui favorisera des contributions positives pour la croissance et la longévité culturelles. »

Sorokin, dans son concept de triple rythme pour décrire le processus d’évolution d’une civilisation (voir le précédent billet) a associé la transition idéationnel → idéaliste à une phase d’essor et la transition sensoriel → idéationnel à une phase de déclin. La mentalité idéationnelle correspondant à un comportement altruiste, la mentalité sensorielle à un comportement matérialisme et égoïste ; la mentalité idéaliste constitue quant à elle un entre-deux entre les deux précédents extrêmes et le point culminant, économiquement et culturellement d’une civilisation.

103-A

Une société primitive, où nous avons vu que la notion même de propriété privée n’existait pas, est par essence une société idéationnelle, autrement dit portée par une mentalité essentiellement altruiste. Si, avec un développement du commerce, de l’agriculture et de la spécialisation des tâches elle passe au stade de société féodale, nous avons vu que le modèle de Melko spécifie qu’elle ne pourra plus revenir à l’état primitif (billet n° 100). Il n’existe aucun exemple d’un tel retour en arrière dans l’histoire de l’humanité. Le commerce, l’agriculture et la spécialisation des tâches sont des points de non retour, sauf disparition complète de la civilisation.

Notre discussion portera donc à partir d’ici uniquement sur l’évolution de civilisations qui ont atteint l’état féodal.

103-B

Une société qui vient de franchir le pas d’un état primitif à un état féodal est mue par la mentalité foncièrement altruiste qui caractérise une société primitive. Sur cette base, le commerce, l’agriculture et la spécialisation des tâches naissants continuent de se développer. La société est en phase d’essor. Cet essor développe les potentialités de profits personnels. Ainsi, peu à peu, la mentalité au départ altruiste commence à progressivement glisser vers plus de matérialisme. De ce point de vue, la préoccupation pour l’intérêt général s’amenuise et des tâches que la société réalisait spontanément demandent de plus en plus à devoir être encadrées par des obligations réglementaires sans lesquelles les membres de la société privilégieront de plus en plus les actions motivées par leurs intérêts personnels à celles motivées par l’intérêt général. Nombre de lecteurs peuvent ici se dire : Soit, cette évolution des mentalités - qui n’est pas surprenante en soi – entraîne en toute logique une société où chacun tend à plus tirer la couverture à soi et qui de ce fait agit de manière moins spontanément coordonnée. Mais en quoi cela implique-t-il le lien systématique mis en évidence par Sorokin vers un déclin ? Ce sont les lacunes dans les tentatives de réponse à cette question qui n’ont pas permis aux spécialistes en évolution des civilisations de dégager une solution unifiée au problème, jusqu’à l’apport de Thomas Wallace.

Au début de son ouvrage (pages 12 et 13), ce dernier a écrit :

« Ce caractère insaisissable d’un concept unifié de développement sociétal a été dû à l’absence d’une approche scientifique multidisciplinaire, qui incorpore les disciplines de l’histoire, l’économie et la sociologie. La littérature sur l’étude des civilisations n’intègre pas de façon appropriée des définitions et des principes scientifiques en lien avec la consommation de richesse sociétale et les ressources d’énergie disponibles. Typiquement, la science de la consommation et du transfert d’énergie (c’est-à-dire la thermodynamique) régule l’acquisition, le raffinage et l’utilisation par la société des ressources fournies par mère nature pour la nourriture et les carburants nécessaires aux processus vitaux de l’existence humaine.

Ainsi, les analyses sociologiques et historiques réputées sur le comportement humain et les événements associés au développement culturel ont négligé le rôle essentiel des ressources de richesse-énergie et les influences majeures de la science fondamentale, tout en utilisant souvent des méthodologies scientifiques. Historiquement, cette approche remonte au XIXe siècle, où prévalait un dualisme de pensée intellectuelle traditionnelle selon lequel la connaissance était cataloguée comme applicable soit aux sciences naturelles soit au comportement culturel et social. En conséquence, les sciences naturelles étaient considérées comme restreintes au système fermé du monde de la nature qui, en ce temps-là était associé à la mécanique classique. Les sciences naturelles n’étaient pas vues comme conceptuellement applicables aux études socioculturelles. »

Ceci permet de mieux appréhender pourquoi il a fallu attendre environ un siècle après la théorie de la relativité d’Einstein pour qu’un modèle unifié de l’évolution des civilisations soit établi, par un physicien.

[1] « Richesse, Énergie et Valeurs humaines » de Thomas Wallace, 2009, traduction française par Jean-Paul Devos, édition Persée, 2017.

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