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Économie scientifique
29 juillet 2023

104 - Le modèle d’évolution des civilisations de Thomas Wallace : Le déclin de la société minoenne. [1]

Après avoir fixé le cadre dans les billets qui précèdent, nous allons entrer au cœur du sujet.

104-1

L’illustration du billet n° 102 sur l’évolution de la civilisation occidentale gréco-romaine, établie par Pitirim Sorokin, fait succéder la naissance de la civilisation grecque au déclin de la civilisation minoenne – qui s’était développée en Crète. Selon Sorokin, cette dernière serait entrée dans une phase sensorielle (prédominance d’une mentalité matérialiste) vers 1700 avant J.-C. Les historiens ont établi que le déclin de la civilisation minoenne a débuté vers 1450 avant J.-C. Dans les années 1930, ce déclin fut attribué aux tsunamis dévastateurs qui furent déclenchés par ce qui a probablement été l’explosion volcanique la plus violente de l’histoire humaine : l’explosion du volcan Santorin. On sait aujourd’hui, grâce aux progrès de datation en géologie, que cette explosion n’a pas eu lieu vers 1450 avant J.-C. mais environ deux siècles plus tôt, plus précisément en 1646 avant J.-C. [2] Selon Theocharis E. Detorakis, un spécialiste contemporain de la civilisation crétoise et professeur à l’Université de Crète, les causes du déclin de la civilisation minoenne ne sont pas à chercher dans des causes extérieures (cataclysmes, actions guerrières...) mais « au sein même de la société et de l’économie crétoise… la fabrication de produits agricoles et artisanaux atteignit ses limites et ne satisfaisait plus la demande ». [3] Ceci est une illustration concrète de l’aphorisme d’Arnold Toynbee que Thomas Wallace cite à plusieurs reprises au fil de son ouvrage : « Une société ne meurt jamais de causes naturelles, mais toujours par suicide ou par meurtre – et presque toujours par suicide. »

Comment se suicide-t-elle ? C’est ce qui va être progressivement développé.

104-2

Concernant la période du déclin de la civilisation minoenne – désignée du nom de période mycénienne - elle fut notamment marquée par la destruction de la capitale Cnossos vers 1400 avant J.C., pour des raisons mal identifiées (séisme ou révolte populaire sont notamment évoqués). Le foyer de ce qu’il restait de rayonnement de la civilisation minoenne se déplaça en Grèce continentale, la Crète devenant une simple dépendance. Vers 1150 à 1100 avant J.C. les centres de culture mycénienne de la Grèce continentale, puis de la Crète, furent dévastés par des tribus du Nord-Ouest de la Grèce (Doriens, Locriens, Étoliens, Phocidiens). L’essentiel de la culture mycénienne fut absorbée par les Doriens. La langue minoenne ne survécu plus, quelques siècles encore, que dans un petit nombre de sites crétois.

Anthony Snodgrass, un archéologue et universitaire britannique, publia en 1971 ses travaux sur cette période de déclin dans un ouvrage intitulé « The Dark Ages of Greece ». [4] Le choix de Snodgrass de désigner cette période par « âge obscur » est évocateur. Il l’a décrite ainsi : « Premièrement, une chute de la population qui est détectable avec certitude et peut avoir été dévastatrice ; deuxièmement, un déclin ou une perte de certaines compétences purement matérielles ; troisièmement, un déclin ou une perte similaire dans quelques-uns des arts les plus élevés, dont la perte de l’art d’écrire est ce qu’il y a de plus frappant pour nous, bien que pour les contemporains ce besoin n’a en aucun cas été perçu ainsi ; quatrièmement, une baisse du niveau de vie et peut-être de la richesse globale ; cinquièmement, une rupture générale des contacts, commerciaux et autres, avec la plupart des peuples établis au-delà de la région égéenne et même avec certains de ceux qui s’y trouvent. À ces caractéristiques, certains ajouteraient une croissance de l’insécurité aiguë. » [5] Nous avons là un parfait exemple de ce qu’Arnold Toynbee a désigné par l’aphorisme « les temps troublés » pour qualifier le premier niveau d’un déclin, dans lequel existe encore « un fondement et une motivation pour la renaissance culturelle ».

Selon les travaux de Sorokin, le déclin de la civilisation minoenne s’opéra donc conformément au schéma du « triple rythme », depuis un maximum de mentalité matérialiste atteint vers 1 700 avant J.C. Le déclin, la traversée des vicissitudes de « l’âge obscur » et le mixage avec d’autres tribus ont vu la mentalité dominante de la population de culture minoenne glisser progressivement vers une mentalité altruiste. La chute de la culture minoenne crétoise laissa la Grèce exclusivement peuplée de communautés agricoles (état féodal selon le modèle de Melko ; voir billet n°100). La naissance de la Grèce antique est située à environ 800 avant J.C. quand de ces communautés agricoles à mentalité altruiste commencèrent à émerger des citées organisées selon ce qui caractérisera les citées grecques.

Le passage de la culture minoenne à celle de la Grèce antique ne s’est pas opéré comme un remplacement, mais comme une transition, une résurgence culturelle. Il y avait encore « un fondement et une motivation pour la renaissance culturelle », selon les termes d’Arnold Toynbee.

C’est pourquoi la Grèce antique est considérée comme une continuité de la société minoenne et que la civilisation gréco-romaine occidentale est considérée être née lors de l’essor de la culture minoenne.

[1] « Richesse, Énergie et Valeurs humaines » de Thomas Wallace, 2009, traduction française par Jean-Paul Devos, édition Persée, 2017.

[2] https://www.museedelhistoire.ca/cmc/exhibitions/civil/greece/gr1040f.html

[3] https://fr.wikipedia.org/wiki/Civilisation_minoenne

[4] https://www.goodreads.com/book/show/21000768-the-dark-ages-of-greece?from_choice=false&from_home_module=false

[5] https://fr.wikipedia.org/wiki/Si%C3%A8cles_obscurs

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