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Économie scientifique
31 août 2023

107 - Le modèle d’évolution des civilisations de Thomas Wallace : L’entropie sociétale. [1]

Thomas Wallace décrit ainsi les implications concrètes du concept d’entropie sociétale :

« Afin de produire des biens et des services, la thermodynamique exige d’une société qu’elle crée des systèmes structurels et fonctionnels ordonnés. Cependant, de telles transformations d’un système en des états plus ordonnés ont été montrés être thermodynamiquement improbables (c’est-à-dire non spontanés). Ainsi, pour survivre et prospérer, une société doit stimuler des processus qui créent plus d’ordre et qui ne sont pas thermodynamiquement spontanés ou énergétiquement profitables. Cette prouesse de créer un système plus hautement organisé, et par conséquent opposé à la direction naturelle spontanée, ne peut être accomplie qu’en contrepartie d’un besoin considérable d’énergie tout comme de la génération d’un plus grand désordre dans l’environnement…

… Ce concept [d’entropie] s’étend au-delà des exemples simples de l’échappement et des rejets produits par un moteur à essence ainsi que des fumées et des particules fines émises dans l’atmosphère par les sites industriels. Le réchauffement global et les pluies acides résultant de la contamination atmosphérique par la société sont un premier exemple, mais le concept s’applique à tous les processus de l’existence d’une société. Atteindre des objectifs socio-économiques désirables et rentables nécessite des activités qui créent de l’ordre à l’intérieur des systèmes social, économique et politique, entraînant la consommation de richesse, d’énergie et d’autres ressources. Cependant, de tels processus créent un plus grand désordre dans l’environnement extérieur que le degré d’ordre nécessaire atteint dans le système. [Deuxième principe de la thermodynamique.] Ainsi des zones d’ordre peuvent être créées, mais quand tous les facteurs sont considérés, le monde subit un accroissement net du désordre (c’est-à-dire une augmentation de l’entropie produite). »

Il convient toutefois de préciser que ce qui vient d’être énoncé par Thomas Wallace s’applique à un système isolé. Le système Terre n’est pas un système complètement isolé, il reçoit en permanence un flux d’énergie constitué par le rayonnement solaire. Toutefois, quand le supplément de désordre crée dans l’environnement excède la quantité d’ordre qui peut être tirée de l’énergie solaire apportée, le système Terre subit bien un accroissement net de son désordre.

107

« … Les éléments de désordre sociétal à l’intérieur d’une population incluent l’anxiété, le stress et des traumatismes financiers, physiques et psychologiques. De telles conséquences sociétales entropiques affectent les attitudes et le comportement humains…

Alors qu’une augmentation des dysfonctionnements culturels est inévitablement engendrée, des efforts accrus deviennent nécessaires pour enrayer l’accumulation sans cesse croissante d’anxiété culturelle, de complexité et de nouvelles questions irrésolues… Ainsi s’établit un cycle de plus en plus ample et auto-entretenu de production d’entropie sociétale et de réactions humaines en vue de le neutraliser...

Le commerce, l’industrie et les gouvernements ont besoin de consommer d’importantes portions de la richesse nationale afin de combattre un désordre sociétal grandissant… De telles solutions créent plus de systèmes ordonnés conçus pour améliorer la stabilité économique et sociale tout en protégeant les profits commerciaux et les intérêts politiques. Cependant, les initiatives pour soulager les maux de la production d’entropie, tout en pouvant apporter un certain répit, entraînent la consommation de ressources supplémentaires et la génération de plus de dysfonctions sociétales. »

Voici donc sommairement brossé, du point de vue scientifique du concept thermodynamique d’entropie sociétale, la dynamique des processus qui conduisent inévitablement un système socio-économique de l’essor et la prospérité vers le déclin.

Toutefois, au début, ces implications néfastes de l’accroissement de complexité lié au progrès sociétal ne sont pas vraiment perceptibles par le commun des mortels. « Malgré les conséquences négatives inhérentes à la production d’entropie sociétale, la maturité intellectuelle croissante d’une société et la sophistication en matière de finance, marketing, sciences, ingénierie et technologies continuent de produire des avancements socio-économiques substantiels et des accomplissements humains. Cependant, au fur et à mesure qu’une civilisation devient plus mature, chaque nouvel ensemble de questions culturelles est plus difficile à démêler que les précédents. À chaque défi surmonté, la complexité inaliénable et le désordre sociétal se multiplient et continuent de s’accumuler. Un accomplissement sociopolitique ou une réalisation technologique au cours d’une décennie peuvent finalement évoluer en une question encore plus menaçante sur le long terme. »

Il arrive un moment où l’effet boule de neige d’une telle accumulation de désordre sociétal aboutit à un degré d’instabilité et de détérioration socio-économiques qu’Arnold Toynbee a désigné par « les temps troublés ». Ce sera l’objet du prochain billet.

 

[1] « Richesse, Énergie et Valeurs humaines » de Thomas Wallace, 2009, traduction française par Jean-Paul Devos, édition Persée, 2017 ; chapitre 3.

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