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Économie scientifique
29 septembre 2023

108 - Le modèle d’évolution des civilisations de Thomas Wallace : Les temps troublés. [1]

Toujours dans le chapitre 3 de son livre, Thomas Wallace décrit ainsi le point où le degré complexité et le désordre sociétal qu’il engendre provoquent le basculement dans un niveau d’instabilité et de début de désintégration sociétale auquel Arnold Toynbee a donné le nom de « temps troublés » :

« En fin de compte... les défis et les problèmes apparaissent plus rapidement que des solutions créatives peuvent être inventées et mises en œuvre. Le train de la vie sociétale commence à accélérer plus rapidement que beaucoup de membres de la civilisation peuvent intellectuellement et émotionnellement s’y adapter. Les petits désagréments de complexités et de désordres sociétaux de faible ampleur grandissent et évoluent subtilement en problèmes sociologiques préoccupants pour une part importante de la population. »

Une description plus détaillée de ce qui caractérise « les temps troublés » est développée pages 302 à 304 de [1] :

« Le concept économique de Tainter, selon lequel l’accroissement continu de la complexité culturelle est responsable d’un déclin... aborde la question de Kroeber : "Pourquoi des cultures particulières meurent-elles ?" Des cultures meurent parce qu’elles deviennent "de ce fait épuisées".

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La complexité sociétale et le désordre ont pour résultat de rendre la population émotionnellement épuisée et découragée ; le leadership devient en banqueroute morale, politique et financière ; les systèmes opérationnels sociétaux deviennent lourds et inefficaces ; et les ressources de richesse-énergie s’épuisent. Ceci est l’environnement "suicidaire" des "temps troublés" de Toynbee qui caractérisent la stagnation et la dégradation culturelles tout en fournissant un fondement et une motivation pour la renaissance culturelle. L’atmosphère de Kroeber est décrite de façon similaire : "Il doit y avoir une rupture ou un renoncement et une réforme des structures avant que la culture ne puisse poursuivre sa route vers de nouvelles réalisations élevées." Une culture qui "perd sa vitalité" et devient "sénile" est souvent "étouffée" et "éteinte" par une culture plus agressive et avancée. Ainsi, la population de la culture "éteinte" n’a d’autre alternative que de se réinventer elle-même, de créer un ordre social nouveau et différent, approprié pour un ère nouvelle, ou sinon de périr.

Les temps troublés produisent une période frénétique que caractérise le fait que l’élite et les personnalités politiques prennent des mesures désespérées pour ressusciter une culture mourante. Ceci inclut souvent la guerre, l’expansion territoriale, l’exploitation de la population, l’unification politique forcée, et une recherche effrénée de richesse additionnelle pour affronter le chaos et l’insolvabilité financière.

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En conséquence, il arrive un moment où une part significative de la population devient douloureusement consciente que des conditions socio-économiques graves existent qui seront très probablement irréversibles. La réalisation de la perte potentielle de ses moyens de subsistance, de sa capacité à se nourrir, de son logement et de sa sécurité, si ce n’est de sa vie elle-même, génère la crainte et modifie le comportement humain. Des gens qui avaient auparavant démontré une grande tolérance envers la complexité, le désordre, la pauvreté et un mauvais traitement généralisé deviennent motivés et répondent activement aux conditions chaotiques qui laissent peu d’espoir pour une amélioration future. À ce point, la confiance dans le leadership s’évapore alors que l’ancienne minorité dominante (la classe dirigeante qui fut autrefois créative) échoue à procurer la stabilité et des solutions à des questions qui ne datent pas d’hier. Il en résulte la rapide disparition d’un objectif commun, de l’harmonie et d’un support à l’intérieur du « prolétariat interne » (c’est-à-dire les travailleurs et les partisans internes). Une taxation sévère et injuste, une distribution inéquitable de la richesse et le coût humain et financier de guerres sont souvent des questions majeures et paralysantes qui précipitent une défection émotionnelle de la population envers ses leaders politiques et leurs programmes. Un déclin ultérieur du niveau de créativité et d’initiative, aussi bien qu’un manque de support humain et financier neutralisent le système économique qui se fragmente rapidement en divers groupes sociaux et politiques dissidents.

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Un mécontentement généralisé et la désunion conduisent à la lutte de classe, la rébellion ouverte et appellent à la création d’une société nouvelle et différente. De telles circonstances incitent les membres d’une société à modifier les valeurs et le comportement et à adopter de nouveaux processus, rôles et critères de leadership afin de créer une vision sociétale plus attractive dans une tentative désespérée de stimuler la changement face à la misère et à l’échec. Tandis que des gens attendent le changement tranquillement, d’autres travaillent activement à promouvoir des réformes philosophiques, spirituelles, socio-économiques et politiques. Typiquement, une taxation croissante, des actions militaires nouvelles, une augmentation des dépenses, et une recherche désespérée de richesse pour répondre à des besoins additionnels, constituent souvent les événements marquants de ces "temps troublés". Cependant, ces stratégies et tactiques ne font que produire une tension socio-économique supplémentaire sur une société qui est au-delà de son point de rupture. Des conflits entre les classes sociales, entre des groupes religieux et ethniques et entre des leaders et des partisans provoquent une plus grande dissension et souvent une guerre ouverte… »

Cette description historique des « temps troublés » que connurent les sociétés dans le passé, ne se montre-t-elle pas coller comme un gant à l’époque que nous traversons ?

La question cruciale que l’on est en droit de se poser quant à notre avenir est : « Qu’est-il advenu ensuite chez les sociétés passées ? »

[1] « Richesse, Énergie et Valeurs humaines » de Thomas Wallace, 2009, traduction française par Jean-Paul Devos, édition Persée, 2017.

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