Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Économie scientifique
28 mai 2023

099 - La science en accusation ?

Par quels mécanismes fondamentaux l’humanité en est-elle arrivée à la situation exposée par le rapport Meadows et à toutes les dérives cupides qui ont été décrites au travers d’une grande partie des billets qui précèdent ?

099-1

Aux temps antiques et médiévaux les connaissances médicales et sanitaires n’étaient pas ce qu’elles sont aujourd’hui, la violence était généralement plus présente dans la société et les guerres plus fréquentes (mais avec des armes au pouvoir destructeur sans aucune mesure avec celles d’aujourd’hui) et l’espérance de vie était moindre. Mais cette vie plus courte était-elle pour les gens du peuple plus pénible, plus malheureuse, qu’elle l’est aujourd’hui ? Contrairement à ce que beaucoup peuvent penser, la réponse mérite d’être examinée. Au moyen âge, même si les terres appartenaient à un seigneur, les paysans disposaient d’un droit d’usage leur permettant de les cultiver librement et communautairement contre le versement au seigneur d’une fraction des récoltes et des produits de l’élevage (généralement un dixième, d’où vient le nom de dîme qui peut désigner un tel impôt). Ce n’est qu’avec le mouvement des enclosures qui, en Angleterre, se développa du XVIe siècle jusqu’à l’Enclosure Act du XVIIIe siècle, que ce droit d’usage pris fin. Les terres furent alors clôturées en parcelles ayant un propriétaire exclusif. Jusque-là, tout individu avait la possibilité de se nourrir librement par ses propres moyens au moyen de la culture, l’élevage, la chasse ou la pêche. Par ailleurs, qu’il s’agisse du paysan médiéval ou de l’esclave de la Grèce antique, par exemple, ils disposaient de « larges temps de loisirs » comme cela a été indiqué dans le billet n° 69 qui avait été consacré à l’histoire du travail. Ce n’est qu’avec l’avènement de la Révolution industrielle que le travail pris un caractère aliénant qui priva l’ouvrier d’être dans la capacité de pouvoir par lui-même à satisfaire ses besoins vitaux. Nous avons déjà cité, dans le billet n° 75, un court extrait de la manière dont, en 1926, Frederick Soddy décrivait cet état de fait. Voici une plus large transcription de ce passage de son livre :

099-2

« Mais qu’il y a-t-il à gagner à ne faire que changer d’échelle ? Une copie agrandie de l’époque actuelle satisferait-elle toute âme humaine ? Les questions embarrassantes demandent une réponse.

 

 

 

Avec toute cette nouvelle richesse la pauvreté de nos ancêtres n’a pas été abolie, mais est revenue dans une forme monstrueuse. Une armée grandissante de chômeurs, sans moyens de subsistance convenables, hante un monde capable de produire beaucoup plus qu’il ne consomme, ainsi en un certain sens, nouveau en histoire, le pauvre est devenu le subordonné du riche même quant à la permission de gagner sa vie. La science est-elle en accusation ? Quel est le génie démoniaque qui pervertit l’accomplissement de nos travaux les plus sensés et nos plus raisonnables espoirs, et rend le progrès plus ressemblant à une ascension cauchemardesque parmi des pentes glissantes toujours plus abruptes, qu’à une marche d’ensemble del’humanité le long d’une large voie royale, rendue rectiligne et plate par l’accroissement de la connaissance , de l’ordre et de la loi ?

099-3

C’est du laxisme que d’aspirer à une civilisation plus dangereusement exaltée jusqu’à ce que quelque chose d’aussi bien défini et certain que l’économie du moteur à essence puisse être étendu à l’économie des hommes. Ainsi, le besoin criant devient non pas l’accession à une puissance physique toujours plus grande, mais à la connaissance de comment sécuriser les fruits de ce que nous possédons déjà. Le fort pille encore le faible, individus et nations, pendant qu’il y a dans l’accroissement du savoir ce qui pourrait faire du monde entier une famille. Mais ceci ne peut arriver tant que nous ne comprenons pas ce qui est injuste, ni pendant que nous attribuons à un système économique de mystérieux pouvoirs dont rirait un physicien. » [1]

 

Si Frederick Soddy s’est cantonné à l’aspect socio-économique des choses en posant les bases de l’économie scientifique, 80 années plus tard, Thomas Wallace a généralisé le contexte à la dynamique de l’évolution des civilisations, en proposant un modèle unifié expliquant leur essor et leur inexorable déclin (cf billet n° 75). Les billets suivants seront consacrés à la présentation des grandes lignes de ce modèle, qui vient apporter certaines réponses aux « questions embarrassantes sans réponse » évoquées en 1926 par Frederick Soddy.

 

Nous verrons que ce qui est en accusation n’est pas la science en elle-même mais plutôt l’usage qui en est fait par les sociétés humaines.

 

[1] « Richesse, Richesse virtuelle et Dette » de Frederick Soddy, 1926, traduction française par Jean-Paul Devos, édition Persée, 2015, pp. 38-39.

Publicité
Publicité
Commentaires
Économie scientifique
Publicité
Archives
Newsletter
Économie scientifique
Publicité